3ème partie du conte de Renée "Le Chêne"
LE CHÊNE
3ème partie
Tête baissée, allongeant le pas, Timothée faillit bousculer le père Ernest qu'il n'a pas vu venir. Le père Ernest est bien connu dans le quartier, que dis-je, dans toute la Feuilleraie. Homme bourru, renfermé, il a une particularité bien à lui ; il allume sa première pipe tous les matins à 7 heures pile, devant sa porte, et ce en toute saison, comme s'il attendait quelqu'un ou quelque chose. Peu bavard, il dit à peine bonjour, la plupart du temps il faut se contenter d'un hochement de tête, tellement que sa proche voisine Albertine, le traite de sale "c...", ce qui ne l'empêche pas, à l'Albertine, de lui donner une part de tarte aux pommes quand il lui reste suffisamment de farine en ces temps de disette.
− Alors, petit, d'où vient-tu de si grand matin ?
Timothée reste coi. Est-ce que le père Ernest aurait deviné ? Pas impossible qu'il soit un peu voyant ! Car le père Ernest, du pas de sa porte allumant sa première pipe du matin, a vu lui aussi le gros chêne se dresser vers le ciel, il a entendu et vu l'engoulevent se poser sur la branche d'un châtaignier ; vu l'églantine présenter ses fleurs blanches.
Alors le père Ernest a frissonné de tous ses membres, non pas de froid, le soleil n'a jamais autant brillé que ce matin là, un soleil qui lui a même taquiné sa moustache de caporal, au point qu'il a failli en faire tomber sa pipe. Il a comprit : « Ça y est, il est arrivé, plus de doute, aujourd'hui 1er avril 2331, depuis le temps qu'on attend ! »
À toute allure il s'est dirigé vers la forêt, a du remonter toute la rue, et malgré son grand âge, ses jambes rajeunissent de 100 ans, voire plus.
Surpris de voir Timothée sortir de cette forêt de mauvaise renommée, il ne peut s'empêcher de s'exclamer :
− Ça y est mon garçon, c'est arrivé ! 311 ANS QU'ON L'ATTEND !
Timothée croit que le père Ernest est devenu fou.
− Qu'est-ce qui est arrivé, père Ernest ? ose demander Timothée à voix basse.
− Et bien petit, le déconfinement !
− Le quoi ? le déconfinement ? le DÉ CON FI NE MENT, articule l'adolescent, qu'est-ce que cela veut dire ? Mademoiselle Jeanne n'a jamais prononcé ce mot là à l'école, le connait-elle seulement ?
− Mais tu es idiot mon enfant, sais-tu que tu as vécu confiné depuis ta naissance ?
− Ah ? non !
Timothée est de plus en plus ahuri et surtout inquiet de l'état de santé mentale du père Ernest. Est-ce que c'est comme cela pour tout le monde y compris sa famille ? Ainsi que pour mademoiselle Jeanne et tous ceux de la Feuilleraie ?
− Et nous sommes le 1er avril 2331 ! lance le vieux en virevoltant comme un jouvenceau.
− Pouvez vous m'expliquer enfin ? persiste Timothée.
− Trop long à t'expliquer, réplique le vieux, d'ailleurs, pas envie, trop fatigué ...
À SUIVRE ...
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